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Interview Sandrine Bridier par Troisième Galerie – 21 juillet 2022

 

 

1. Pouvez-vous revenir sur votre formation artistique ?

 

Bien sûr, je suis diplômée d'Arts Graphiques de l'école Penninghen (Paris). Ensuite, pour compléter ma formation artistique, j'ai préparé l'Agrégation d'Arts Plastiques et cela m'a permis d'articuler ma pratique avec une dimension plus théorique, plus réflexive.

 

2. Comment êtes-vous arrivée à la sérigraphie ?

 

Au départ je me suis concentrée sur la peinture et la sculpture textile. Puis, j'ai pratiqué la lithographie au sein d'un atelier de la Mairie de Paris pendant dix ans. Cela m'a donné envie de suivre une formation de sérigraphie, déjà dans l'idée de travailler dans un atelier. A ce moment là, l'Atelier des 4 jeudis montait un pôle de sérigraphie, je l'ai donc pris en charge.

 

3. Comment considérez-vous l'oeuvre sérigraphique par rapport à l'oeuvre d'art ? En effet, la sérigraphie, par le procédé de reproductibilité qui lui est propre, n'est-elle pas opposée à la vision de l'oeuvre d'art unique et fixe ?

 

Il est vrai qu'au fondement de la sérigraphie se trouve la notion de multiples, le fait de faire plusieurs exemplaires. Or, en sérigraphie, j'ai toujours fait des œuvres uniques. Je n'ai pas deux exemplaires semblables. Ma démarche consiste à s'approprier le procédé sérigraphique pour faire des œuvres uniques. Les cadres de sérigraphie me permettent d'expérimenter et de requestionner sans cesse le processus, sans jamais se priver des possibles. On peut toujours se servir du cadre autrement. En ce sens, je ne peux pas dire que je suis sérigraphe dans la mesure où je ne sérigraphie pas pour les autres. J'utilise la sérigraphie non comme moyen de reproductibilité mais comme moyen de création, c'est-à-dire une technique ou un outil pour créer une œuvre.

 

4. Vous parlez d'expérimenter le procédé sérigraphique, mais il me semble que vous expérimentez aussi autour des formes car vos œuvres sont très proches de l'abstraction...

 

Oui, j'ai toujours créé des formes très organiques, plutôt courbes, évanescentes... et depuis deux ou trois ans, des formes beaucoup plus géométriques sont arrivées dans mon travail. J'ai voulu les associer aux formes organiques. C'est comme s'il y avait un socle solide dont pouvait s'échapper des formes beaucoup plus difficiles à cerner, à circonscrire. Dans mes créations, ces formes géométriques posent quelque chose de l'ordre d'une structure ou d'un solidité qu'il n'y avait peut-être pas avant... La structure au fond n'est-elle pas liée à la rationalité ? Tout à fait, d'ailleurs mes titres sont souvent des termes ou des formules mathématiques. Je me suis beaucoup interrogée sur la raison pour laquelle ces formes géométriques étaient apparues dans mon travail et je pense que cela est liée à ma façon d'appréhender l'abstraction. Au fond, dans l'abstraction, il y a toujours un rapport, une relation directe avec ma propre vie. Et ces formes je crois, sont arrivées à un moment où ma vie des devenue plus ancrée ou plus continue qu'avant. Quels sont les peintres abstraits dont vous vous sentez proche ? J'aime beaucoup Ellsworth Kelly (peintre et sculpteur abstrait américain) qui pratiquait l'abstraction géométrique. Il partait de l'observation des fenêtres pour inventer des formes. Son travail commence par l'observation pour aller vers la composition. Le mien est plutôt une appropriation des formes de manière métaphorique, c'est pour cela que j'aime aussi beaucoup Rothko ou Geneviève Asse... Il y a aussi un peintre allemand contemporain dont je me très sens proche aujourd'hui, c'est Helmut Federle. Il crée des séries de petite formes géométriques, c'est un travail très graphique de composition, de jeu entre les pleins et les vides. Sa pratique me parle beaucoup, bien que je continue à introduire des formes souples dans mes créations.

 

5. Il est vrai que depuis le début de votre travail, les formes souples semblent persister dans vos œuvres...

 

Les formes souples ont quelque chose d'essentiel pour moi. Elles sont présentes depuis mes premières sérigraphies et sont très liée aux mouvements des sentiments, des émotions. Parfois on se sent complet, plein, et puis parfois totalement vide... on a l'impression que les choses s'effilochent. Vous vous servez beaucoup du textile pour créer ces formes souples, soit en utilisant du tissu dans vos œuvres, soit en dessinant des enchevêtrements de fils, pourquoi ? Oui, j'utilise souvent la tarlatane dans mes œuvres, c'est une toile qu'on utilise en gravure pour essuyer les plaques. Par sa trame, elle permet beaucoup de jeux avec la transparence. Le textile est un des grands amours de mon enfance en Guadeloupe où il y a énormément de magasins de tissus, ma mère en achetait énormément et faisait beaucoup de couture. Lorsque je préparais l'Agrégation, je me suis mise à travailler avec le tissu en m'intéressant aussi beaucoup aux artistes femme comme Louise Bourgeois, Annette Messager... J'aime énormément les œuvres d'Eva Hesse, qui relient le volume, la sculpture et l'image. Je me suis sentie très proche de cette pratique féminine liée au textile et aussi très proche des préoccupations de revendication d'un travail artistique féminin. Je trouve que la matière textile est profondément liée à ma perception de la vie où, à nouveau, les choses peuvent se coudre, se découdre, s'effilocher... Je suis habitée par le fil plus que par le tissu en lui-même, pour sa continuité, le fait qu'il peut parfois s'emmêler mais a toujours un début et une fin... Le fil dit quelque chose de la complexité des rapports humains, de nos sentiments...

 

6. Vous parliez de la transparence de la tarlatane, quelle place tient justement la transparence dans vos œuvres ?

 

La transparence pour moi est très liée à la profondeur. L'impression que lorsqu'on superpose plusieurs couches de transparence, on plonge dans la profondeur des choses, on dépasse la surface. Comme pour les glacis en peinture, toutes ces superpositions créent de la profondeur. Ainsi, le regard face à l'oeuvre n'est pas bloqué. J'ai d'ailleurs dernièrement commencé à travailler les aplats de couleurs grâce notamment à l’acquisition d'une table aspirante en sérigraphie. En plus des formes, cela me permet d'expérimenter un nouveau champ dans la couleur cette fois.

 

 

7. Avez-vous des projets d'exposition ? Où pourra-t-on voir vos œuvres prochainement ?

 

Je participe en octobre au Salon MULTIPLES #17 (salon de la petite édition) à Morlaix. Et une de mes sculptures en tissu sera aussi exposée au Salon Art Texture, présent un peu partout en France, notamment au sein du Musée de la Toile de Jouy (Jouy-en-Josas, Yvelines) que j'aime beaucoup. 8. Pour revenir à l'Atelier des 4 jeudis, quelle philosophie essayez-vous d'impulser dans ce lieu ? J'ai enseigné les Arts Appliqués pendant quinze ans à l'Ecole des Condé et à Créapole avant d'arriver à l'Atelier des 4 jeudis. Cela m'a donné confiance et a alimenté mon désir de transmettre. J'ai aussi travaillé avec les enfants pendant deux ans au sein de l'école Montessori « La Baleine » mais aussi en tant qu'intervenante dans des classes de primo arrivants à Trappes. Ces expériences m'ont bouleversée et je pense qu'elles sont à l'origine de mon envie d'ouvrir l'Atelier à des publics plus modestes. Principalement, j'aime partager et expérimenter avec les autres. C'est cette dynamique de création que j'essaie d'apporter au lieu. Le plus important je crois avec l'Atelier des 4 jeudis est de proposer un espace ouvert d'expérimentation mais aussi et surtout un espace bienveillant.

 

 

 

 

 

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